Dans le billet précédent, j'explorais la problématique du piratage du point de vue de l'organisation de la distribution de l'oeuvre artistique. Le premier garde-fou est d'assurer une absence de contrainte supplémentaire dans la diffusion d'une oeuvre culturelle, voire, de libérer davantage ladite diffusion. En clair, la première chose à considérer dans la lutte contre le piratage des oeuvres musicales sur internet, est d'éviter qu'elles ne soit limitées par les moyens hors internet, y compris par les lois que nous créérons pour la défendre.
Nous pouvons même dire qu'une loi qui rend plus problématique la diffusion d'une oeuvre culturelle par les canaux habituels incitera les gens à utiliser internet pour se le procurer.
Je pars du principe que la défense doit consister à multiplier la présence d'un type de média plutôt que de le restreindre à un nombre limité d'occurences. Soyons lucide, 90% des gens cherchent la facilité dans l'obtention d'un bien, que ce soit une fourchette de table, ou bien une intégrale de Beethoven. Si l'on essaie de les contraindre à adopter un comportement étranger, la première chose qu'ils feront sera de refuser (refuser relève de la facilité ; c'est choisir qui est difficile), et de trouver un moyen de contourner la contrainte. Les plus astucieux d'entre eux vont même considérer que l'interdiction faite justifie que l'on évite d'en prendre compte et agir en conséquence.
Multiplier les voies d'accès ne suffit pas. Si l'on met en place une myriade de mesures, mais toutes plus compliquées que celle que l'on veut éviter, on a déjà perdu. Pour assurer la protection des artistes, il faut non seulement assurer des alternatives adaptées aux modes d'exposition possibles, mais aussi ne pas s'y limiter. Si l'on veut tenter d'enrayer le phénomène du piratage de la musique par internet, il faut faire en sorte qu'elle soit accessible aussi en dehors.
J'irais même plus loin, il faut que la musique devienne une question intériorisée par l'individu, afin qu'il ne confonde pas les couverts qu'il achète, et l'oeuvre musicale dont la pérennité et l'intérêt ne sont pas du même ordre. Si l'on veut réfléchir sur une responsabilisation des gens, il faut modifier l'éducation actuelle pour accorder une plus grande place à l'enseignement artistique et aux actions culturelles ; cela pour qu'il envisage l'oeuvre comme un élément qui ne peut exister sans l'acceptation du contrat proposé par l'artiste ("je te remets le fruit de mes tripes, et je reçois en retour la rétribution de mes efforts pécuniers pour y parvenir).
Mon prochain billet s'intéressera à cette dimension humaine.